L'un d'un précédent article, j’expliquais que bien souvent, faire un business plan ne sert à rien. Qu’en est-il dans l'Economie sociale et solidaire (ESS) ?

 

L'enjeu de la monétisation dans les projets d'Economie sociale et solidaire (ESS)

Je viens de l’Economie sociale et solidaire (ESS).

« Apprendre à faire beaucoup avec peu » a été la meilleure des écoles. Cela m’a obligé à me former encore et encore, à me démultiplier, à anticiper les problèmes, et à trouver des solutions.

 

Je dois beaucoup à l’Economie sociale et solidaire (ESS).

Voilà pourquoi je continue régulièrement à contribuer aux dispositifs de soutien ou de conseil aux projets ou aux structures de l’ESS.

Que ce soit dans le cadre du Dispositif Local d’Accompagnement (DLA), du conseil RH aux associations, avec le dispositif ZOOM RH d’UNIFORMATION. Ou bien, plus récemment, dans le cadre du dispositif Az'up de la French Tech, soutenu par Veolia.

OUI, certains projets peuvent avoir une portée future importante et nécessiter des fonds. Auxquels cas rédiger un Business plan est pertinent … puisqu’il sera exigé. OUI, certains projets peuvent bénéficier d’aides au démarrage et, pourquoi pas, au fonctionnement… Mais ces aides, en dehors d’être de plus en plus rares, sont, par nature, temporaires !

Monétiser un projet d'ESS : les 5 questions à se poser

Dès lors, quelles questions doit-on se poser dans le cadre d’un projet s’inscrivant dans l’Economie sociale et solidaire (ESS) ?

A vrai dire, sensiblement les mêmes que pour un projet « classique » : « QUE propose-t-on de vendre à travers le projet ? », « A QUI ? », « COMBIEN ? »

Puis, dans un deuxième temps : « COMMENT ? » et « OÙ ? »

 

Cela peut paraître évident mais, une fois encore, ça ne l’est pas.

Bien souvent (trop souvent ?), les projets s’inscrivant dans une logique d’ESS résultent d’une envie. Cette envie est généralement très forte et mue par des valeurs très nobles.

Attention aux « croyances » !

La bonne nouvelle, c’est que cette dimension est une formidable source d’énergie et de motivation pour le (ou les) porteur(s) de projets. La mauvaise, c’est que cela augmente le risque de bâtir un projet autour de « croyances ».

Mon rôle, en pareille situation, est d’aider, en confrontant le projet à la réalité des coûts réels, de la concurrence (si elle existe), de l’absence d’aides (si c’est le cas), de la législation (parfois)… Bref, de multiples dimensions !

Mais avant tout cela, je les oblige à répondre aux 3 questions.

Les 3 questions qui peuvent tuer un projet d'ESS Economie sociale et solidaire

 

1 - Vous vendez … QUOI ?

- Et je fais exprès d’utiliser le verbe "vendre" –

"Intéressant" ne veut pas dire "monétisable" !

Il ne faut pas se cacher derrière des alternatives comme « nous proposons » ! Et pour cause, il s’agit, dans 99 % des cas, d’un acte de vente : il faut le réaliser, y être prêt, comprendre ce que cela implique.

Malheureusement, pour un grand nombre de projets, le « crash test » s’arrête là. Une incapacité à traduire l’intention – souvent très éthique, très intéressante… – en une proposition concrète, délimitée et monétisable.

Exemple de dialogue vécu avec un porteur de projet : « Nous sommes partis du constat qu’il y avait beaucoup trop de déchets plastiques et nous voulons contribuer à réduire la production et la consommation de plastique ».

Ok. Très bien. Qui n’est pas d’accord avec cela ? … Sans doute personne aujourd’hui.

 

Mais la question « Vous vendez QUOI ? » ne peut pas rester sans réponse claire.

Souhaitent-ils vendre des actions de sensibilisation ? Des matériaux alternatifs ? Un système de collecte ?

Si la réponse est : « Nous voulons proposer des actions de sensibilisation » dans un cadre associatif bénévole : Très bien !

Si c’est dans le cadre d’un projet monétisé, avec création d’emplois, cette réponse apparait probablement, malheureusement, un peu floue. Le projet a alors peu de chances de franchir les questions suivantes !

Pilotage stratégique - Association

2 - Vous vendez … A QUI ?

Bien souvent, le projet, lorsqu’il tourne autour des questions écologiques, par exemple, se situe à égale distance entre le producteur et le consommateur, entre l’industriel et l’acheteur, entre la collectivité et les usagers.

La question « A QUI vendez-vous ? » peut être encore plus triviale et devenir « QUI paie ? ».

 

Reprenons le projet de « contribuer à la réduction de la production et consommation de plastique », en « proposant des actions de sensibilisation ». La proposition est aussi utile que pertinente, mais … QUI va payer ?

  • L’industriel producteur du plastique ? Le particulier acheteur de ce plastique ? Peu probable.
  • La collectivité, pour des actions de prévention dans des lieux publics, dans des écoles, dans des entreprises ? Pourquoi pas.
Budget prévisionnel Budget à l'équilibre entreprise

3 - Vous vendez … COMBIEN ?

Attention à l’absence de concurrence !

Très souvent, les idées sont innovantes. Ou, plus simplement, ne se situent pas sur le secteur marchand. Une analyse simpliste pourrait entrainer la conclusion positiviste « Super, il n’y aura pas de concurrence ! »

 

Attention ! S’il n’y a pas de concurrence, bien souvent, c’est qu’il n’y a pas de marché !

Si je décide de vendre des dénoyauteurs de banane, je pense pouvoir affirmer que je serai seul sur ce marché … Cela voudra-t-il dire, pour autant, que mon projet est pertinent ? Bien évidemment que non !

Les idées innovantes pertinentes peuvent bien sûr exister : dans ce cas, les deux problèmes majeurs rencontrés sont :

  • « Comment fixer son prix lorsque l’on ne dispose d’aucune référence ? »
  • « Comment ne pas se fourvoyer en pensant que nous sommes seuls sur le marché ? »

 

Prenons l’exemple d’un entrepreneur commercialisant un appareil dépilatoire type « lumière pulsée ».

Celui-ci ne doit pas oublier qu’il est en concurrence directe avec les solutions basiques ou classiques, type bandelettes de cires, ou, tout simplement, rasoirs.

Les « produits de substitution » sont là, il ne faut pas les sous-estimer. Autrement, l’entreprise court le risque de ne pas suffisamment argumenter les atouts de ses produits, pensant qu’ils sont évidents, voire irrésistibles.

 

Dans le cas d’un projet d’ESS, l’idée n’est pas forcément innovante.

Mais, bien souvent, cette idée n’est pas située dans un « marché » aux règles connues de tous, comme lorsqu’un entrepreneur souhaite ouvrir une pizzeria, un pressing, une société de déménagement, un hôtel, etc.

Déploiement stratégique - Association

Il existe plusieurs méthodes pour fixer son prix : j’aborderai cette notion dans un prochain article.

 

Posez-vous ces 3 questions !

Lors de ma dernière intervention, riche et stimulante, certains projets passaient sans encombre les 3 premières questions :

 

  • Vous vendez QUOI ?

Un service de blanchisserie et repassage, proposé dans le cadre d’une association d’Insertion par l’Activité Economique (IAE).

 

  • Vous vendez A QUI ?

Nous visons les hôpitaux et les restaurants.

 

  • Vous vendez COMBIEN ?

Nous proposons des tarifs de 20 à 40 % inférieurs aux acteurs classiques du marché, car nous bénéficions d’aides pérennes du secteur de l’IAE.

 

Pour d’autres projets, malheureusement, la première question était déjà bloquante, l’envie n’étant pas transposable en service ou en produit.

Si pour certains, le « QUOI ? » était clair, le « A QUI ? » l’était beaucoup moins. Ainsi, de nombreux projets tournés vers les particuliers deviennent des projets B to B.

Enfin, très souvent c’est la question fatidique du « COMBIEN ? » qui demande réflexion.

Dans certains cas, une étude de marché, une analyse des coûts peut permettre de construire un modèle économique viable.

Dans d’autres cas, c’est malheureusement cette question qui aura raison du projet initial, qui s’arrêtera, ou se transformera en un autre projet (associatif et bénévole, généralement).

 

Vous avez un projet ? Vous savez dire ce que votre projet propose de vendre, à quelles cibles et à quels tarifs ? Félicitations.

Maintenant, il va falloir vous pencher sur les deux questions « COMMENT ? » et «  ? »

Mais c’est une autre histoire qui relève de la Stratégie Commerciale et de la Stratégie Marketing.

 

Avec près d’une centaine de structures d’ESS accompagnées à ce jour, nous pouvons vous accompagner. N’hésitez pas à nous contacter.

Et d’ici là… posez-vous les 3 questions.